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Monique Pinçon-Charlot : Nicolas Sarkozy est un homme politique qui représente la classe dominante avec ses liens, ses réseaux, ses cercles et ses clubs. Toutefois, il marque une différence avec ce milieu : avec lui , son appartenance se voit. Il vend la mèche, il donne à voir comment cette classe sociale fonctionne.
Pierre Bourdieu a théorisé que pour que le pouvoir puisse fonctionner, il devait être méconnu. Les classes dominées ne doivent pas connaître les mécanismes du
pouvoir. Avec Nicolas Sarkozy, nous sommes dans un mode de fonctionnement original. Dès la nuit du Fouquet's, au soir de son élection, il choisit ses invités et envoie ce message : désormais le
monde des affaires sera au cœur du système politique français. Nous sommes face à un népotisme de nouveau riche.
Nicolas Sarkozy joue-t-il volontairement avec les codes sociaux de la grande bourgeoisie ?
Michel Pinçon : Nicolas Sarkozy a vécu à Neuilly sur Seine, dans les Hauts-de-Seine. Il en a été maire pendant près de 20 ans. Il connaît donc parfaitement les codes de cette société. Néanmoins, durant la première période de son quinquennat, c'est l'argent que Nicolas Sarkozy a mis en avant. On lui a conseillé de faire machine arrière sur ce point et il l'a fait.
Dans le cas de son fils Jean, il brûle les étapes dans son ambition de créer une lignée. D'autres avant lui, dans le milieu politique, ont construit une dynastie comme les Debré ou les Poniatowski. Mais là, il veut aller trop vite. Encore une fois, il se comporte en nouveau riche. Il n'a pas la bienséance d'attendre que les choses soient mûres.
Monique Pinçon-Charlot : L'ascension du fils à marche forcée ne respecte pas le temps de la légitimation, de la légitimité, de l'installation de l'individu dans le champ politique. Lorsque Jean Sarkozy dit qu'il a été élu, c'est vrai ! Mais il n'avait pas vraiment de concurrent à ce poste et les élections étaient gagnées d'avance. Cela ne le rend pas plus crédible.
Michel Pinçon : Dans cette bizarrerie, car c'est une bizarrerie d'avoir un garçon âgé de 23 ans à la
tête d'un établissement aussi important, Nicolas Sarkozy marque sa différence avec ceux qu'il sert. Les grands patrons initient leurs enfants au monde des affaires, via les meilleures écoles, des
stages dans les filiales du groupe familial. Les héritiers ne sont pas lâchés comme ça dans un milieu aussi complexe. Ce qui se passe pour la présidence de l'EPAD est ahurissant.
Michel Pinçon : Les propos tenus cette semaine par Nicolas Sarkozy à l'occasion de la réforme du lycée
sont emblématique de son fonctionnement. Il a dit : "Ce qui compte en France pour réussir, ce n'est plus d'être bien né, c'est de travailler dur et
d'avoir fait la preuve, par ses études, par son travail, de sa valeur". Il suit alors une stratégie de
communication qui l'amène a prononcer les mots que les Français veulent entendre : mérite, diplôme, travail... Le même jour, il illustre exactement l'inverse en voulant que son fils prenne la
tête de l'EPAD , un népotisme mis en évidence sans complexe.
Monique Pinçon-Charlot : Il nous reste à voir si lors des prochains rendez-vous électoraux, le "vieil
argent", avec ses codes et ses valeurs, sanctionnera l'attitude de Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui, je suis d'avis qu'il ne sanctionnera pas.