Pour ne pas tremper la plume dans le vitriol et rester serein, le communiqué de la cgt d'après le 27 mai n'est pas sans poser quelques interrogations, et pas des mineures.
Non pas qu'il dise que la lutte ne sert à rien et que l'urgent est de rester chez soi, c'est sûr que cela ne serait pas digeste par l'ensemble de ceux qui ont arpenté le pavé des villes de France le 27, qu'ils ne l'accepteraient pas. Pourtant?
Nous propose-t-il quelque chose de mobilisateur pour capitaliser la dynamique que portaient les cortèges et élargir le champ des débrayages ?
Devant la brutalité de l'offensive contre les droits sociaux le holdup programmé est-ce à la hauteur?
C'est révélateur de ce qui pose problème et est d'un autre ordre hélas plus profond.
Ce papier était en cour de rédaction quand arriva sur le blog la réaction d'une militante qui lisant le communiqué de la CGT m'a fait part de son interrogation plus que courroucée sur les armes de la riposte:
Ce qui ressort du communiqué, c'est que face aux €uros divisions blindés de coffres forts qui déferlent pour laminer la protection sociale, on en reste aux lance-pierres de la pétition, et à tancer le gouvernement qui doit moins écouter le Medef. "Monsieur le chien de garde, va dire au renard que ce n'est pas bien d'entrer dans le poulailler, retire les plumes que tu as dans la gueule pour que le renard comprenne le message."
Autant pour sauver les bayous ramasser le pétrole de BP avec des petites cuillères… ou encore taxer les spéculateurs pour éliminer le capital.
Mais en plus, et c'était le projet initial de ce message, la lecture du communiqué lève un lièvre qui ne peut laisser indifférent un syndicaliste ayant un tantinet d'expérience du réel revendicatif. Là aussi la forme éclaire le fond.
Dans la manif parisienne, pour ne parler de que ce qui ici a pu être mesuré et que le communique relève, c'était la colère. Forte, profonde, avec des mots d'ordre pour le moins explicites et des banderoles pas dans le consensus.
Que des adhérents de différentes OS se donnent rendez-vous pour le digestif après le repas c'est leur droit chacun à ses turpitudes.
Mais sans nous, pas mon organisation, la CGT. Il y a comme un problème, et il n'est pas p'tit:
Qu'est-ce qui prime? La mobilisation dans la rue et les actions dans les entreprises ou les rencontre au somment ou plus de la moitié des présents qui ne représentent pas la majorité des salariés et de la population sont près à se coucher contre de fausses compensations ?
Il fut un temps que même certains de moins de quarante ans ont pu connaître.
On rentrait dans la boîte à la fin de la manif. Appel des grévistes à se réunir, contacter les potes, prévoir une AG à l'embauche du lendemain, demander leur avis aux collègues et à partir de là on regarde deux choses: le rapport de forces dans la boite et le cahier revendicatif.
Ca tombe bien, les salaires ça ne va pas et toute augmentation arrachée outre qu'elle fera du bien à la maison, elle participe à améliorer le financement de la protection sociale. Au moins aller chez le taulier et pour cela débrayer même 1h00 et donc continuer dans des formes décidées sur place de la suite.
Pas attendre une interview sur une chaine télé pour savoir si "on" fait quelque chose.
On ne refait pas l'histoire, pas de nostalgie mais des enseignements: 86, 95, 2003 etc. ont fonctionné de cette façon là où les directions syndicales ont joué leur rôle et impulsé.
Ce ne sont jamais les négociations qui font les acquis ou interdisent les mauvais coups, ce sont les rapports de forces qui ouvrent des discussions dans une autre configuration que celle voulue par la partie adverse.
Un dirigeant de la CGT qui ne sait pas cela ou qui feint de l'oublier doit d'urgence reprendre sa raquette de tennis, son solex ou sa canne à pêche.
Or diriger c'est impulser d'abord dans ses propres rangs pour gagner les revendications (y compris si on veut peser sur le contenu d'une éventuelle intersyndicale ultérieure) et ainsi renforcer l'organisation par la démonstration de l'efficacité de l'action.
Dire en substance au soir d'une journée où la colère était palpable "c'est pas mal, on peut faire mieux, les patrons et le gouvernement ne sont pas honnête de tenter de nous diviser mais on jusqu'à décembre pour se refaire" me parait un tantinet puéril pour être gentil, irresponsable pour être réaliste, surréaliste pour être responsable; en tout cas déconnecté de toutes expériences de l'histoire des luttes de ce pays pour le plus grand nombre d'entre elles si on veut tenter d'aider à la réflexion collective...
Plus grave, c'est surtout porteur d'une démarche qui prend les travailleurs pour des fantassins et non pour des acteurs de leurs luttes et dont des dirigeants nationaux, les uns sans autre représentativité que leur présence sur la photo qui justifie qu'ils soient invités se voient en stratèges d'état major… qui alors font rire un ennemi qui de plus sait qu'il a des alliés dans la place.
Rappelons-le puisque l'oubli est entretenu, État et patrons ne sont pas des partenaires fréquentables surtout sur de tels dossier. Ce sont des ennemis. Ils tuent. A coup d'épuisement, de désespoir de harcèlement, d'empoisonnement et de guerre chimique pour gonfler leurs profits, des ennemis de classe- même si le mots parait par endroit obscène -qui sont à affronter parce que quand ils ne tuent pas, ils asservissent par la pression de la misère qu'ils imposent pour garantir et augmenter les profits.
Admettre leur calendrier pour programmer nos luttes les font se bidonner et ceux qui acceptent cela se révèlent là être des stratèges… du café du commerce. Ce qui la encore est contraire à toute l'histoire du syndicalisme réellement revendicatif de notre pays. Vous imaginez en 36 ou en 68, "s'cusez m'sieur le patron, vous rentrez quand de croisière pour qu'on débraye? Avant ou après la sortie du prochain modèle? Qu'on sache pour programmer."
La question n'est pas aujourd'hui de réunir une biblique scène où ça se bagarre pour savoir qui jouera Jésus, le rôle de judas étant historiquement tenu par Chérèque, le tout en convoquant les photographes du monde entier pour immortaliser le tableau mais d'en appeler les salariés non pas à faire pression sur des négociations biaisées mais à dire; ça suffit!!
Le dire au pouvoir, au patronat, à ceux des haut-parleurs médiatiques aux ordres mais aussi à ceux qui derrière leur table à cartes déplacent les troupes sur l'atlas des luttes et n'écoutent pas ce que ceux qui sont dans l'action attendent et exigent d'eux.
Cette colère qui monte de toute façon va trouver le moyen de s'exprimer.
Les militants des boites y seront comme poissons dans l'eau, nombre de directions syndicales aussi, les luttes dans certaines branches dans la dernière période le montre.
Mais et c'est terrible de devoir dire cela ainsi, attention pour ceux qui ne sont pas au diapason des luttes, pour reprendre la phrase qu'André Tollet adressait dans d'autres espaces que celui du syndicalisme, "cela se produira avec vous, sans vous ou contre vous". On voit dans la vie politique où cela a conduit ceux à qui Toto s'adressait…
alainchancogne 29/05/2010 18:55
Gilles P. 29/05/2010 17:13
canaille le rouge 31/05/2010 12:03